Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog de Tass
Publicité
Archives
Le Blog de Tass
Derniers commentaires
Catégories
23 février 2009

Radioscopie d’une Transition : Des mots et des maux !

Dadis_et_Sidya__19_Mars_2009_On est aujourd’hui, le 23 février 2009 ! En cet autre jour de labeur infini, le CNDD et son Président, le capitaine Moussa Dadis Camara, marqueront certainement d’une pierre symbolique, leur agenda : ils auront déjà passé deux bons mois à la tête de la Guinée. Ils sont arrivés le 23 Décembre, et donc, voilà soixante et deux jours bien sonnés que nous sommes ensemble. Qu’est-ce que le temps passe vite ! Je prends mon rétroviseur et j’observe.

Quoi ! Attendre les 100 jours pour faire le bilan ? Mais qu’est-ce c’est que çà ? Serais-je obligé de me calfeutrer dans un schéma immuable pour paraître à la mode, en imitant des stéréotypes figés et totalement étrangers à la marche particulière de ma Nation ?

Bon, je dis : 60 jours ! Eh oui, deux mois que le CNDD tient nos destinées en main. Des mains fermes et rassurantes, des mains martiales et rigides, des mains qui calment le bas peuple et effraient les hauts-d’en-haut : des mains justicières qui ne laissent ni répit ni repos à ceux qui, ces dernières années, ont fait de notre patrimoine public, leur propriété personnelle.

Et d’abord, soixante jours sans un seul coup de feu ! Nos oreilles n’y croient pas. Tellement elles étaient habituées, ces dernières années, au crépitement des armes. Nos villes étaient devenues de véritables Far West où les tirs directs et les balles perdues rivalisaient dans les quartiers. Avec leurs lots de victimes innocentes et de larmes impuissantes. Des bandits voraces et impitoyables, mais aussi des mutineries sans fin de nos corps en uniforme.

Il y a donc deux bons mois que cette musique lugubre s’est estompée. On dira que c’est peu, mais pour nous qui vivions ce traumatisme, ici au pays, nous ne pouvons que nous en réjouir !

Ensuite, deux mois de gestes et de mots. Des mots contre nos maux. Ah, oui ! On a commencé par entendre le capitaine Dadis Camara du CNDD, nous réveiller le 22 décembre, par des mots gaillards et tout aussi surprenants, des mots sciants au moment où nous n’avions même pas encore fini de sécher nos larmes de la nuit de deuil, avec l’annonce tardivement nocturne du décès du Président Lansana Conté.

Les mots de ce jour, nous ont fait valser invariablement entre la frayeur et l’espoir, la hantise et l’espérance, toute la journée durant, mais surtout lorsque, par l’entremise de la radio française RFI, le Premier Ministre d’alors et le Président de l’Assemblée nationale ont commencé à mettre en doute, par des mots railleurs, les mots libérateurs des officiers de notre Armée nationale.

Bon, heureusement que des mots plus railleurs du doyen Bâ Mamadou de l’UFDG sont intervenus à temps, pour nous soulager de nos maux de l’instant. Il le fallait bien, mon vieux, merci infiniment !

Le lendemain d’ailleurs, 24 Décembre, c’est la population de Conakry qui se défoulent de ses maux encaissés depuis des lustres, à travers des vivats massifs et explosifs qu’elle adresse à chaque pas à ce capitaine parfaitement inconnu et opportunément messianique, tout le long de l’artère centrale et principale de Conakry, dénommée « autoroute Fidel Castro », depuis le carrefour du Camp Alpha Yaya Diallo, refuge du CNDD, jusqu’à la presqu’île de Kaloum, soit sur 15 km d’ambiance féérique.

Les mots de ce jour, scandés à l’unisson par tout un peuple en délire, ont tôt fini par rassurer le CNDD et son Président, que la cause était enfin entendue : le pouvoir avait réellement changé de mains, cette fois ! Depuis 24 longues années, un quart de siècle, je vous dis !

Aussi, après cette parade triomphale dans la capitale, les premiers mots du capitaine Moussa Dadis Camara seront, non seulement pour remercier « ces vaillantes populations de Conakry et surtout, la jeunesse », mais aussi pour rassurer et se rassurer : « … Maintenant, je suis convaincu que je suis le Président de la République de Guinée. »

Et dans la foulée de cette victoire au forceps, une Ordonnance dont les mots ne laissent place à aucun atermoiement, renvoie illico, tous les 8 gouverneurs de région et tous les 33 préfets du pays, remplacés à la levée par des officiers de commandement régionaux et préfectoraux.

Eh, oui ! Dès la soirée, les mots des médias publics (RTG), remettent çà, en convoquant tous les membres du gouvernement déchu au Camp Alpha Yaya Diallo, devenu dès lors, le « siège des nouvelles autorités nationales ». Et le lendemain, ceux-ci ne se le feront pas dire deux fois. Avec en tête, le Premier Ministre, Chef du gouvernement « de large ouverture », Ahmed Tidiane Souaré, voilà nos intouchables « Excellences » à la queue-leu-leu et au grand complet devant la troupe et les officiers.

Et la toute première surprise viendra de là : au lieu des ces remontrances menaçantes et ces actes violents et barbares que les putschistes, sous d’autres cieux, réservent d’habitude à l’équipe vaincue, on voit un Dadis Camara qui use de mots explicatifs et apaisants, et puis, oh Dieu, l’on entend un Premier Ministre « sortant » qui fait fébrilement et courtoisement allégeance, en se mettant, lui et chacun des membres de son gouvernement « à l’entière disposition de Mr le Président de la République et du CNDD pour servir la Nation, en tant que techniciens ».

Non ! On n’en croit ni nos oreilles ni nos yeux. Et c’était vrai pourtant. La preuve : sur ordre express du tout nouveau Président, chacun de ces ex-tout-puissants, est raccompagné sous bonne escorte sécuritaire jusqu’à son domicile !!!

Le système Dadis vient de commencer et il faudra bien s’y faire : à la fois impétueux et imprévisible, sincère et tranchant, tour à tour, bon enfant et déconcertant.

Et pour ceux qui pouvaient douter de la fougueuse fermeté et de l’inaltérable résolution de ces jeunes officiers à mener leur barque sans effusion de sang, les mots d’une Ordonnance publié ce Jeudi soir, rassure que les « funérailles nationales du défunt Président de la République, le Général Lansana Conté, auront effectivement lieu, selon le programme prévu, ce Vendredi 26 Décembre 2008… ».

Un couvre-feu est instauré pour raison de sécurité, mais il ne durera que 24 heures, le temps de repérer les quelques nids d’anarchistes et les mettre hors d’état de nuire, « pour permettre à la population guinéenne de vaquer librement à ses occupations ».

Au cours de ces funérailles, célébrées devant des milliers d’invités dont 7 Chefs d’Etat de la sous-région Ouest Africaine, on retiendra que les mots ne se sont jamais départis de cette courtoisie typiquement africaine et de cette reconnaissance profondément religieuse envers les devanciers et en particulier, le défunt président.

Le jour suivant, samedi 27 Février, c’est la grand’messe de toutes les forces vives de la Nation à l’Ecole nationale Interarmes du Camp Alpha : leaders politiques, syndicaux, société civile, notables religieux etc… tous se sont massivement mobilisés ce jour de weekend, pour parler et entendre parler de la Guinée. Et les mots n’étaient pas sous les aisselles pour fustiger les maux qui nous ont rongé jusque là.

Cette première rencontre qui sentait une odeur d’ébauche de conférence nationale souveraine, a vu toutes les vues et tous les mots converger vers un seul objectif : traiter enfin nos maux dans l’unité d’action de tous les fils et de toutes les filles de ce pays.

Un blanc seing pour le CNDD ? Certainement non ! Mais déjà, chacun semblait avoir décelé le sens que prenait le vent de la nouvelle Guinée. Et ce ne seront pas les mots du Président de la Commission de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas, qui viendront contredire cette option, même si dans une conférence de presse, ce Dimanche à Conakry, le mot « sanction » de principe, flotte encore dans les airs.

Ce mot qui ne présage d’ailleurs que l’alourdissement des maux de cette population déjà étranglée par le harcèlement du quotidien, ne panique nullement les nouvelles autorités guinéennes : la Communauté internationale étant suffisamment au courant du pourrissement de la situation guinéenne ces dernières années, chacun finira, un jour ou l’autre, par comprendre et lâcher du lest.

Nous, en attendant, on s’occupe de nos maux et de leurs causes. Parmi lesquelles, et en bonne place, les vieux généraux de l’armée : 22 de ces grabataires galonnés, sont d’office mis à la retraite dès ce Dimanche, 28 Décembre, dans la soirée. Et on tend l’oreille pour écouter la suite !

A partir de la deuxième semaine, Lundi 29 Décembre, le CNDD peut ainsi engager la vitesse supérieure ! Pour convaincre la Nation et nos partenaires au développement, de sa ferme volonté d’aller vite. Le Mardi, on verra alors tous les ambassadeurs accrédités en Guinée ainsi que les représentants des Institutions internationales, au grand complet, au Palais de la Colombe à Kaloum, devant le Président Dadis et son équipe. Pour des mots diplomatiques, bien sûr, mais aussi des cris du cœur : il faut convaincre nos partenaires du bien fondé de l’action. Et, à première vue, le coup semble avoir porté, à entendre du moins, certaines institutions comme la CEDEAO et la Francophonie.

Dans la soirée de ce Mardi, 30 Décembre, c’est le coup d’éclats : Kabiné Komara, en poste à Eximbank en Egypte, est nommé Premier Ministre, Chef du Gouvernement. Ce choix fait l’unanimité, en ce sens qu’il rejoint le vœu du peuple de Guinée qui avait déjà proposé ce fils du pays à ce prestigieux poste, au sortir des évènements douloureux de Janvier-Février 2007. Ainsi, tout semble bien commencer et donc, on peut continuer !

Mercredi, c’était au tour des femmes leaders du pays, ces amazones des affaires, de la politique et des forces vives, de faire le déplacement sur le Camp Alpha Yaya. Les mots du Président Dadis sur nos maux, et sur le sacrifice singulier de certaines de ces femmes combattantes, connues et reconnues par toute la Nation, comme Mme Rougui Barry, feront couler plein de larmes d’amertume et de satisfaction, ce jour là.

Ces premiers contacts pris et le Premier Ministre étant déjà à la chasse pour dépister les oiseaux rares à présenter à la Guinée comme équipe gouvernementale, le CNDD s’octroie un petit répit, tout en continuant à garnir les structures stratégiques de cadres choisis par consensus.

Jusqu’au 14 Janvier 2009, lorsque le Décret de nomination des membres du Gouvernement passe sur nos antennes. Ils sont, pour ce départ, 29 ministres comptant 10 militaires, 3 femmes, un Ministre d’Etat, un Secrétaire d’Etat et trois Secrétaires généraux. Le nombre évoluera au fil des jours et l’on enregistrera même un retentissant désistement, mais ceci est une autre histoire.

Le Lundi 19 Janvier, ce gouvernement fait son entrée solennelle chez le Chef de l’Etat au Camp Alpha Yaya. Et, à l’occasion, nous avons enfin eu droit aux mots fondateurs de la marche du CNDD dans ce processus de Transition engagée en Guinée.

C’est un discours-programme qui se saisit de tous nos maux et trouve des mots allant dans le sens de solutions à court, moyen et long termes. Il traite des audits qui devront faire la lumière sur les manquements qui ont conduit notre pays dans les abysses. Il évoque le pouvoir d’achat du travailleur et du peuple en général. Il s’attaque aux grands maux comme le banditisme, le narcotrafic, les tueries enregistrées ces dernières années, bref, il ouvre des chantiers et propose des perspectives de sortie de crise apaisée et civilisée.

Et ce sont les opérateurs économiques qui répondront les premiers à l’appel du CNDD. Le 22 Janvier, ils étaient en masse au Palais de la Colombe. Pour écouter, s’expliquer, se défendre et promettre. Comme d’habitude ! Et comme d’habitude, personne ne les croie plus. On les a souvent vus à l’œuvre dans cette rengaine creuse avec le président défunt… Le Président Dadis usera toutefois de mots rassurants pour les amener à collaborer, cette fois au moins, à l’action d’amélioration des conditions de vie des populations. Il leur demande, pour commencer, à accepter de baisser les prix des denrées de première nécessité et en particulier, le riz. On attend toujours de les voir adhérer à cet appel, et agir enfin !

Notons enfin que trois coups d’éclat ont marqué ces premiers pas du CNDD. En fait des coups médiatiques sous forme de shows télévisés, qui ont marqué à jamais l’esprit du guinéen sur le style Dadis. Un style tout de spontanéité, d’enthousiasme et de franchise :

- Le Dimanche 25 Janvier, nous avons eu droit à la confrontation directe entre le sieur Diaty Condé, ci-devant ex-directeur national du FER (Fonds d’Entretien Routier) et son Secrétaire Général du Département des Travaux Publics, Kalémodou Yansané. Ambiance !

- Le Mercredi 28, suite au limogeage du tout nouveau Secrétaire Permanent du CNDD, le Colonel Aboubacar Sidiki Camara « Idy Amine », et les rumeurs qui ont enflé le pays, nous avons suivi une séance d’explication en direct à la télé, entre le Président, le Colonel Amine et le Commandant Biro Condé du CNDD, cité dans ce feuilleton. Déconcertant !

- Et le 2 Février, dans l’axe de sa tournée dans les différentes garnisons de Défense et de Sécurité de la capitale, nous avons vu un capitaine Dadis pragmatique, remplacer la Directrice nationale des douanes, Olga Syradin, en séance publique dans la cour de ce service stratégique de l’Economie nationale. Le Secrétaire général du Ministère de la Sécurité publique, Fodé Chapeau Touré, avait déjà été nommé dans la même veine quelques instants plus tôt. Inédit !

« Woulé bara gnon ! » (le mensonge est fini). Cette phrase-slogan du Président Dadis, prononcée ce jour là, fera longtemps échos dans les quartiers populaires de Conakry et de l’arrière pays.

Des mots pour des mots, ou des mots contre nos maux ? Toujours est-il que la Guinée a déjà fini par se faire une idée claire de son nouveau Chef de l’Etat. « Il parle trop ! », clament certains. « Il crie trop ! », s’offusquent d’autres. Des réactions bien compréhensibles : elles procèdent moins des mots de Dadis que de nos maux paradigmatiques. Eh, oui ! Depuis des années que nous sommes habitués à un Chef d’Etat qui ne parle presque pas ou qui, s’il parle, n’élève même pas la voix, le ton harangueur de Dadis Camara ne peut que créer un choc psychologique. Ce ton nous épouvante et nous effraie. Question d’habitude !

Et les notables religieux qui se sont mobilisés Lundi 2 Février, pour une cérémonie de prières au Camp Alpha Yaya, ces vieux sages qui ont encore à l’oreille les envolées lyriques du Président Sékou Touré, ne seront nullement émus par les mots, encore moins le ton de Dadis Camara.

Aussi, ne trébucheront-ils pas sur les mots circonscrivant avec véhémence, nos maux et les remèdes. Leur porte-parole, Elhadj Boubacar Biro Diallo nous recommandera surtout, de ne pas aller à la précipitation, pour une transition aux acquis plombés et inaltérables.

Et alors, en dépit des agitations et autres appels du pied des forces vives de la Nation, regroupés le Lundi 9 Février au Palais du Peuple, de même que le Samedi 14 Février dans la même Salle des Congrès, le Président capitaine Moussa Dadis Camara est resté ferme en ce qu’il est de ce processus de la Transition : des fondamentaux plombés devraient être d’abord pensés, analysés et acceptés par toutes les parties, avant toutes actions populaires sur le terrain. La Guinée lucide n’est pas pressée !!!

Et il sera de la responsabilité de chaque leader de ce pays d’évaluer consciencieusement la situation, et de fondre ses options sous forme de propositions constructives, dans le moule commun.

Et c’est certainement dans une observance objective de cette volonté réaffirmée du peuple de Guinée, que la Communauté internationale qui nous observe, à travers le Groupe de Contact sur la Guinée, réuni les 16 et 17 Février à Conakry, s’est engagée à nous appuyer pour un retour civilisé à l’Ordre constitutionnel. Cette Communauté des partenaires bi et multilatéraux semble avoir entendu et enregistré tous nos mots face à nos maux, par ailleurs connus de tous, et tout semble indiquer que ce ne seront pas les remèdes qui feront défaut. Pour l’avenir de la Guinée, et de sa population si longtemps grugée et martyrisée, mais toujours debout et engagée.

Deux mois déjà que nous cherchons notre nouvelle voie, soixante deux jours que nous scrutons tous les horizons et toutes les opportunités. Puisse nos mots épouser enfin, le voile de la chasteté et de l’unité fraternelle, du positif conceptuel et du constructif inclusif pour ouvrir ce pays, cette ultime fois, au progrès universel mérité.

Fodé Tass Sylla

Rédacteur en Chef

PRG_1

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité