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7 janvier 2009

Guinée : Le crépuscule de la mamaya politique ?

« Ah, non, dis-donc Tass ! Tu ne peux pas faire semblant d’ignorer la portée socio-historique du terme « Mamaya », cette danse de nos ancêtres du grand Manden, creusetFod__Tass_Sylla de culture ancestrale et vecteur d’union ! Qu’est-ce que tu es réductif en usant de ce terme si prestigieux, dans un conteste aussi grotesque. Allez, remplace-moi çà par d’autres mots moins grinçants pour nos fibres du terroir. Tu peux prendre « folklore, parade ou saltimbanque » par exemple ! »

J’entends bien d’ici, mes frères Damaro Camara et Drahmane Touré, ou ma sœur MBalou Kébé.

Bon, je vous emprunte le mot « mamaya », juste pour parler de ce que vous savez là, et dont on a nettement ras le bol, depuis Sékou Touré jusqu’à Lansana Conté.

On commencera donc par une parenthèse, pour dire que : si « l’Afrique noire est mal partie » (René Dumont), la République de Guinée semble avoir été la plus mal lotie de tous.

Ah, bon ?! Suivons :

Un territoire de 245. 857 km2, quatre régions naturelles, avec une conjugaison harmonieuse de tous les paysages du monde (sauf celui des pôles), des monts, des montagnes, des plateaux, des vallées, des steppes sahéliennes. Des multitudes de ruisseaux, de marigots, de rivières, de fleuves…, convergeant vers tous les pays voisins de l’Afrique de l’Ouest, ou se déversant sur une façade maritime d’environ 300 km sur l’Atlantique, avec des estuaires merveilleux et des plages d’Eden. Deux saisons bien distinctes et bien dosées (la pluvieuse nourricière et la sèche qui requinque), et pour renforcer ce tableau de rêve, un sous-sol où se sont donné rendez-vous, tous les métaux précieux et substances minières dont la science et la technique sont sensées avoir besoin, dans un domaine ou l’autre, pour le grand bien de l’Humanité.

Sur ce « paradis terrestre » (Mouammar Kadhafi), moins de onze millions d’habitants, soit la population d’« un quartier de Pékin » (le Premier Ministre de Chine), ou celle du Caire, capitale de l’Egypte, qui en compte dix millions huit cents soixante mille.

Une population homogène dans sa composition (pas de race blanche, comme en Afrique du Sud), moins de 30 ethnies, tellement interpénétrées par de solides et sempiternels liens traditionnels (cohabitation ou mariage), qu’à l’observation, elles ne semblent plus former qu’une seule. Au grand dam des thuriféraires de la pureté raciale ou de l’exclusion ethnique !

Tout ceci est beau, me direz-vous, mais où se situe alors ton problème ?

Mon problème, c’est au niveau de la gestion politique et administrative de ce merveilleux pays et ses entreprenants habitants, par ses propres fils, mandatés à cet effet.

Et là, disons-le, « y a problèmes », comme le dirait mon ami Brou Amessan de la Radio Télévison Ivoirienne. Et comment ?

Rappelons-nous des années 1950 : la grande guerre vient de prendre fin (en 1945), laissant les puissances du moment, nettement languies et hagardes, incapables désormais d’assurer l’administration de colonies aussi vastes que diverses, en Afrique, en Asie et dans les Amériques.

Et voici l’habituelle hypocrisie des mots, sortir des laboratoires de l’idéologie coloniale, pour annoncer à ces « peuplades », qu’on leur « offre, gracieusement, en généreuse récompense de leur engagement dans la guerre aux côtés de la Métropole, le libre choix entre leur auto-détermination » ou l’association avec l’ancien maître, dans une « Communauté » de gestion politique et économique. L’Etat colonial sachant bien, qu’il n’a rien assuré dans ce sens, en matière de ressources humaines qualifiées pour les éventuels Etats naissants.

Le topo est alléchant, bien sûr, pour les quelques rares lettrés, de se voir très rapidement dans les honneurs dus à ces administrateurs coloniaux. Et, évidemment, ce sont les activistes politiques et sociaux, courageux interlocuteurs du « chef blanc », qui s’infiltreront dans la brèche, avec l’appui vigoureux et parfois violent, de parfaits agitateurs incultes, dopés au nationalisme radical par des slogans extrémistes. La mamaya sera l’arme qui l’emportera sur tous les autres ingrédients !

En Guinée, les centrales syndicales en général, et celles de la Poste, du Port et des Chemins de fer en particulier, deviendront, à cette époque et pour l’occasion, d’intarissables viviers pour cette marche musclée contre le colon et ses « suppôts », et ensuite, pour « la défense de la dignité et de la souveraineté nationale ».

La suite, on la connaît : renvoi sans ménagement de De Gaule et ses propositions, promulgation de la République, le 2 Octobre 1958 et puis, le face à face brutal avec l’énorme et complexe réalité de la gestion effective d’un Etat. Ah, Dieu !

Il faudra faire avec les moyens de bord, et à pas de charge ! La Métropole ayant dégarni toutes les structures d’administration et tout le socle économique. Et voici, la Guinée partie, les poches vides, le cœur vaillant et la bouche pleine de slogans !

On fait feu de tout bois, on racole de tous les horizons, de toutes les pièces, pourvu qu’elles veuillent bien déclarer la volonté de soutenir « la Cause ».

En ces débuts difficiles et risqués, on a évidemment pas le choix : on cherche à tenir coûte que coûte, et prouver aux voisins, au monde et surtout à la méchante et ingrate Métropole, que l’on pourra, contre vents et marées. La mamaya, avec les femmes de Conakry surtout, galvanisera les énergies et l’emportera sur tous les ingrédients !

Mais déjà, ce contraignant défi sera le premier hic dans l’histoire de ce pays. L’Administration qui se mettra en place, tiendra compte, non pas de la qualification intellectuelle et professionnelle, mais de la verve et de la hargne dans la défense de « la Cause ».

On y retrouvera ainsi, pêle-mêle, quelques rares vrais intellectuels, mais aussi des curricula approximatifs ou clairement ignobles, des hommes de métier ou de simples ouvriers, tous parachutés du jour au lendemain, à d’importants et complexes postes de gestion du destin de toute une République.

Et bienvenue les improvisations, les ratés, les manquements, les cafouillages, le tout couvert de slogans et de manifestations volontaristes, bref, du folklore et autres mouvements d’ensemble. Ceci s’ajoutant aux revers et autres peaux de bananes insidieusement glissées par l’ancienne Métropole, les gouvernants s’en iront très vite à la panique, et voici la porte ouverte, très tôt (dès 1961) au cafardage, à la suspicion et (oh, malheur) à l’autodestruction : le complot et les purges, comme méthode de gouvernement, ne permettront plus de s’occuper du développement du pays, qui s’en va ainsi à vau-l’eau, tandis que les bras valides et autres, professionnellement compétitifs, prennent le chemin de l’exil, au risque de leur vie et de celle de leurs familles.

Cette page sombre a fait et continue de faire l’objet de tant de passions et d’affrontements, que je préfère la laisser telle, en attendant que le temps fasse son effet vers une perception et une analyse non passionnelles.

On retiendra donc, que c’est une Guinée mal lotie et mal partie, que les militaires du CMRN prendront en charge à partir du 3 Avril 1984. La mamaya seule était bien portante, à cette époque également, avec les chœurs et autres éloges d’orchestre !

Mais là encore, le schéma des ressources humaines n’est pas aussi reluisant qu’en 1958. Les nouveaux maîtres sont tous, à quelques exceptions près, des militants en uniforme, c'est-à-dire des soldats défenseurs de l’idéologie révolutionnaire et donc, gardiens des orientations et pratiques de ceux-là qu’ils viennent remplacer.

Les principaux responsables du coup d’Etat de 1984 sortent naturellement des rangs des piliers des services de défense et de sécurité du régime de la Révolution. Ils sont également, pour la plupart, des « déserteurs » volontaires de l’armée coloniale à la proclamation de l’indépendance en 1958 et donc, on le comprendra aisément, d’un niveau de formation académique pas très solide.

Mais là encore, comme en 1958, les circonstances ne permettront pas beaucoup de discernement dans le choix des dirigeants. Les activistes ont été récompensés en 1958 pour leur action de mobilisation « des masses populaires » et de soutien indéfectible aux responsables du PDG-RDA. Les pistoléros d’Avril 1984 seront récompensés de la même manière (par des postes juteux), pour leur courage suicidaire à affronter le régime révolutionnaire, en un temps où nul n’osait, et leur engagement à soutenir les initiatives et démarches du Comité Militaire de Redressement National.

Ainsi qu’on le voit, pour ce deuxième rendez-vous avec l’Histoire, la Guinée n’avait pas, là aussi, ni le temps ni la liberté de choix des hommes qui doivent gérer ses destinées. On fera encore feu de tout bois. Surtout à partir du clash de Juillet 1985, avec la dramatique scission consécutive au coup dit « Diarra Traoré ». La mamaya viendra encore à la rescousse, pour étouffer les sourdes complaintes des victimes de ce drame national !

Et à partir de ce moment, le choix des hommes s’en ira d’ailleurs, se dégradant, influencé de plus en plus et au fil des années, par des considérations nettement en porte-à-faux avec les exigences de compétence. L’activisme politique, l’opportunisme, l’affairisme, le népotisme, le régionalisme, et surtout, l’ethnostratégie, viendront inexorablement sonner le glas de l’Administration guinéenne.

Tous ces fléaux et les dérives concomitantes ont ainsi conduit notre pays, si doté par la Nature, et son Peuple, si intelligent, si entreprenant, si courageux, mais si stoïque et si digne dans la souffrance, à vivre, depuis cinquante ans, une véritable descente aux enfers, un pèlerinage absurde et douloureux.

Aujourd’hui, la Guinée est encore à un autre carrefour de l’Histoire. Elle y gagnera si elle prend le recul pour tirer les leçons de son passé récent, en vue d’éviter, à tout prix, les écueils qui ont saccadé sa marche et remis en cause, à chaque occasion, ses nobles espoirs d’un décollage économique profitable à chacun et à chacune de ses dix millions d’âmes.

Il faudra nécessairement rompre avec les nominations par cooptation ou copinage, célébrer, non la docilité mais l’efficacité, honorer et exploiter à leur juste mesure, la compétence et la disponibilité patriotique, tuer l’ethnie pour vivifier la Nation, s’ouvrir aux autres pour profiter des acquis de l’universel.

Et tout ceci, on le peut si on le veut ! Et comme, sans nul doute, chacun de nous le veut, il est encore une chance qui s’ouvre à nous (la dernière peut-être). Taisons tout ce qui nous oppose ou nous divise, pour faire face, ensemble, au seul et noble combat qui vaille la peine d’être mené à ce jour : celui du progrès tant espéré, mais toujours renvoyé.

On pourra si, bien sûr, les nouveaux gouvernants ne flanchent pas, face aux sirènes de la mamaya, en se faisant entourer et engloutir par ces hordes de trouffions, clarinettes à la bouche et chantant les éloges de celui-ci et celui-là, nous envahissant de « mouvements de soutien », et transformant nos ministres, leurs épouses et leurs alliés, en éternels « parrains » ou « marraines » de cérémonies aussi creuses qu’inutilement et dangereusement dépensières.

Le Président Dadis a dit : « Mes compagnons du CNDD et moi, nous n’avons pas besoin de tels soutiens ! » On l’entend bien. Mais que pensent les membres de la nouvelle équipe gouvernementale que le Premier Ministre, Kabinet Komara s’apprête à mettre en place ?

Nous serons aux aguets, comme toujours, et dès le premier spot de « parrainage » ou « marrainage », nous serons fixés sur les orientations nouvelles, et nous vous tiendrons au courant avec plein d’emphase, pour que ce soit, enfin et pour toujours, le crépuscule de la mamaya politique en Guinée!

Fodé Tass Sylla

Rédacteur en Chef

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